NANGEVILLE – ANALYSE DES ACTES PAROISSIAUX ET DES ACTES D’ETAT CIVIL.
Jusqu’en 1792, les cures etaient charges d’enregistrer baptemes, mariages et inhumations. Ensuite cette responsabilite des actes a ete transferee aux officiers municipaux (naissances, mariages, deces), completes par des « tables decennales » qui recapitulent les evenements sous forme de listes, chaque 10 ans.
Tout ou partie des actes paroissiaux et actes d’etat civil de Nangeville sont conserves a partir de l’annee 1607. Les documents qui etaient detenus auparavant a la maire de Nangeville (et qui, grace a cela, ont pu echapper a l’incendie des archives d’Orleans en juin 1940) sont maintenant detenus par les archives du Loiret a Orleans. Numerises, ils sont accessibles aisement en ligne (jusqu’a l’annee 1902) sur le site Internet des archives departementales.
Avant 1792, les cures enregistraient les evenements touchant les familles catholiques. De la sorte si des protestants ont habite Nangeville (ou des fideles d’autres religons), ils ne figurent pas sur ces actes. Mais, a ce stade, aucun indice n’en signale la presence aux XVIIe et XVIIIe siecles.
On peut noter plusieurs periodes dans les archives :
- De 1607 a 1665, seuls les baptemes sont enregistres
- De 1660 a 1665, pratiquement aucune information n’est enregistree, mais a partir de 1664/1665 quelques mariages et inhumations sont signales
- A partir de 1685, les informations semblent tres completes. Il y a bien sur quelques manques mais plutot limites, comme l’absence de deces signales entre 1749 et 1752, ou comme l’annee 1791.
- A partir de 1791, les actes d’etat civil (naissances, mariages, deces) sont etablis par des officiers municipaux.
Malgre la secheresse des actes et leur brievete, leur analyse et une mise en perspective revele des informations sur la demographie a Nangeville pendant plus de deux siecles, sur la vie sociale (geographie des mariages, evolution des prenoms, metiers, anecdotes diverses) et religieuse.
Attache a cet article, un tableau Excel donne le nombre d’evenements pour chaque annee, et releve quelques points particulier et anecdotes. Mais il est tres imparfait.
LA DEMOGRAPHIE
Il semble que depuis les annees 1650 et jusque vers 1930, la population nangevilloise n’ait pas evolue de facon considerable. On peut faire l’hypothese d’une legere progression a partir d’un niveau de 160-170 habitants a la fin du XVIIe siecle pour atteindre 200 vers 1800 et se stabiliser ensuite (+/-10%). La decroissance est tardive : elle ne commencera que dans les annees 1930 pour s’accelerer dans les annees 1950 et 1960.
Quelques chiffres
- Baptemes et naissances : au XVIIe siecle il y avait en moyenne 4,8 naissances par an a Nangeville. Cela passe a 6,2 (+30%) au XVIIIe siecle, pour redescendre a 5,3 durant le XIXe siecle
- Inhumations et deces : se situant a 4,2-4,5 a la fin du XVIIe et durant le XVIIIe siecle, la mortalite annuelle baisse et passe a 3,5 au XIXe siecle
- Mariages : 300 mariages sont celebres en 230 ans, soit entre 1 et 2 par an, avec une moyenne legerement superieure au XIXe siecle en comparaison du siecle precedent.
- Il est difficile d’extrapoler les chiffres de naissances et deces pour evaluer la population de Nangeville, en particulier en raison des departs ou arrivees, qui ne sont pas enregistres dans les actes, et deces qui ont pu avoir lieu hors du village. On note cependant tres regulierement plus de naissances que de deces enregistres ce qui tend a prouver qu’il y avait plus de departs (pour cause de mariage, de travail,..) que d’arrivees a Nangeville, aussi bien au XVIIe qu’au XVIIIe siecle. Les deces probables de quelques Nangevillois dans des hopitaux ou hospices (comme celui d’Etampes), non enregistres dans les actes du village sont un autre element que l’on ne peut mesurer.
Mortalite. Esperance de vie et longevite
- Jusque vers 1870, la mortalite est tres importante parmi les petits enfants. Environ un tiers des enfants meurent avant 6 ans (en fait surtout durant les premiers mois) aux XVIIe et XVIIIe siecles, on passe a environ 25% au XIXe siecle jusque vers 1870 pour chuter a moins 10% ensuite.
- L’esperance de vie moyenne est ainsi est de 25 a 30 ans jusque vers 1870-1880, apres quoi elle passe a 50 ans a la fin du siecle.
- Pour les Nangevillois qui passent le cap des 5 ans, l’esperance de vie se situe entre 35 et 40 ans de 1700 jusque vers 1880, pour grimper a 60-65 ans a la fin du siecle.
- Durant la periode analysee, on ne note aucun deces de nonagenaire et tres peu d’octogenaires. La doyenne de Nangeville pour la periode a ete Jeanne Poisson decedee a 88 ans 1708 (elle etait nee en 1620, au debut du regne de Louis XIII), suivie de Marie Dupre (deces a 86 ans en 1778) et d’un autre deces en 1840 (87 ans aussi). Les nonagenaires n’apparaitront qu’au XXeme siecle.
On note seulement 10 octogenaires sur une periode de plus de 100 ans, entre 1697 et 1800 (2 a 3% des deces), moins encore entre 1800 et 1880 (5, soit 1 a 2% des deces), mais beaucoup plus – 9 – entre 1880 et 1903 (10% des deces)
Les annees exceptionnelles pour la demographie
- Pour les naissances a Nangeville, plusieurs annees record : 1635 (13 naissances), 1714 (11), 1778 (12), 1790 (11), 1851 (13)
- Pour les deces, quelques pics notables : 9 deces en 1694, 16 en 1710, 14 en 1714, 10 en 1743, 13 en 1773. Ces pics correspondent a des famines liees aux aleas climatiques, ou a des epidemies signalees par ailleurs en France ou au moins la region (1694 : grande famine liee aux exces de pluie, 1709-1710 : grand hiver et tres mauvaises recoltes, 1743 et 1773 : grippe et variole). Au XIXe siecle, pas de situation exceptionnelle, hormis l’annee 1834 avec 10 deces, qui semble coincider avec une epidemie de grippe meurtriere en France.
- Quant aux mariages, l’annee 1803 detient la palme avec 6 mariages celebres dans le village, suivie de l’annee 1732 (5 mariages) et quelques annees avec 4 mariages, mais peu nombreuses (comme 1791, 1827 ou 1868)
LES PRENOMS
Les actes livrent aussi des informations sur les prenoms donnes aux enfants a la naissance.
On note une forte concentration des prenoms au XVIIe siecle qui se reduit un peu au XVIIIe siecle et semble s’estomper au XIXe siecle.
- 75% des enfants se partagent cinq prenoms pour les garcons et cinq pour les filles, dans le courant du XVIIe siecle. A cette epoque, les prenoms les plus populaires sont Marie, Jehanne, Francoise, Anne, Catherine Madeleine pour les filles et Jehan, Francois, Louis, Etienne, Pierre pour les garcons.
- La concentration reste encore forte a la fin du XVIIe et au XVIIIe siecle ou environ 50% des nouveaux nes se partagent 5 prenoms feminins et 5 masculins. Les memes prenoms qu’au XVIIe siecle sont populaires, auxquels on peut ajouter Marie-Madeleine (numero 1 entre 1727 et 1750), Marguerite (numero 1 apres 1750) pour les filles, et Jacques (numero 1 avec Jean apres 1750), Etienne qui se renforce et Charles pour les garcons (Jacques numero 1 apres 1750). Des prenoms composes apparaissent aussi pour les filles, au XVIIIe siecle, commencant le plus souvent par Marie.
- Dans le courant du XIXe siecle, les prenoms tres repandus aux siecles precedents sont beaucoup moins visibles. La diversite est plus grande et des prenoms ignores auparavant apparaissent, sans que ces prenoms soient dominants, comme par exemple, pour les filles Eugenie, Constance, Zoe, Josephine, Celestine, Leocadie, Leopoldine, Claire, Alice, Henriette, Yvonne, et pour les garcons Celestin, Gaston, Valentin, Honore, Theophile, Desire, Aristide, Eugene, Theodore, Alfred, jules, Maxime, Edouard, Ernest.
OU TROUVE-T-ON SON CONJOINT ?
Les mariages consignes dans les actes concernent principalement les Nangevilloises, la tradition ancienne voulant que le mariage soit celebre dans la paroisse de la fiancee. On ne sera pas surpris de decouvrir que les Nangevilloises rencontraient leurs fiances dans les villages voisins, ou a Nangeville meme : en effet l’immense majorite des fiances viennent de Nangeville, ou bien de villages tres proches, souvent cites comme Champmotteux, Mainvilliers, Orveau, Sermaises, Boigneville, Brouy, Dossainville, Aulnay-le-Riviere, Manchecourt. Il n’y a qu’un nombre infime de mariages celebres avec des natifs de Malesherbes (malgre la proximite et la taille relative de cette ville), de Pithiviers, d’Orleans ou de Paris.
LES METIERS
Les metiers des personnes presentes lors des evenements sont de temps en temps notes dans les actes. Si l’on exclut les metiers directement lies a l’agriculture, evidemment de loin les plus nombreux, on note par exemple :
- Au XVIIIe siecle : lieutenant canonnier dans l’artillerie, receveur, maitre d’ecole, cordonnier, sage-femme, meunier, charron, marechal, tailleur d’habits, chirurgiens (qui resident a Malesherbes et a Mainvillers)
- Au XIXe siecle : geometre expert, arquebusier (residant a Etampes), horloger (residant au Havre), tisserand (residant a Etampes), couturiere, maitre macon, lingere, boulanger, marchand de son, marchand de volailles, marchand de vin, cuisiner, charcutier (residant a Paris), relieur (Paris aussi), fabricants de « joujoux » (Paris)
On voit aussi qu’il y avait un maitre d’ecole a Nangeville deja au debut du XVIIIe siecle, et une sage-femme vers 1730.
A ce stade, les noms des maitres d’ecole identifies dans les actes sont : Pierre Deniset (debut XVIIe siecle, jusqu’en 1736), puis Francois Deniset son fils (a partir de 1736) qui devient maitre d’ecole a Mainvilliers en 1756, Jacques Bertheau a partir de 1756. Au XIXe siecle, on note les noms de Gabriel Ciret (1822), Jacques Ambroise Michaud (1841), Vaslier (1879), Leon Ramondot (1887), Jules Regu (1901)
ANECDOTES DIVERSES
DEs evenements notes par les cures et officiers municipaux donnent quelques eclairages sur la vie locale. En voici quelques uns, sans souci de classement, autre que chronologique :
- 1672 : une voyageuse accouche en chemin
- 1709 : Cantin Dupin est trouve mort dans un champ. C’est une periode de famine et de tres mauvaise alimentation, causee par des catastrophes climatiques, qui entrainent de nombreux morts a Nangeville, comme ailleurs en France
- 1710 : deces d’un jeune mendiant de 20 ans, originaire d’un village de Bourgogne; probablement de malnutrition
- 1714 : bapteme d’un enfant abandonne par des mendiants dans une grange appartenant au la famille Marchand
- 1714 : deces de Jean Sedard, le receveur du chateau
- 1717 : mort de Bernardin Benoit, le cure. La messe est celebree a Nangeville par les cures de tous les villages voisins : Champmotteux, Brouy, Coudray, Orveau, Gollainville, Mainvilliers, Blandy.
- 1730-1731 : Claude Bobee, « etudiant », assiste a des inhumations. Etait-il en stage aupres du maitre d’ecole ?
- 1734 : deces d’Etienne Marchand, marguillier (c’est celui qui administre les biens de la paroisse)
- 1743 : deux personnes sont directement inhumees au cimetiere sans passer par l’eglise, en raison des risques de contagion (annee d’epidemie)
- 1745 : on cite l’intervention « habile » d’un chirurgien de Pithiviers pour une naissance.
- 1773 : deces d’Armand Le Cesne, syndic de la paroisse, receveur du seigneur de Nangeville
- 1793 : Jean-Francois Dupre est nomme officier municipal par le conseil de Nangeville
- 1802 : deces Louis Tenot, soldat a Saint Domingue, atteint par la fievre jaune
- 1811 : deces de Pierre-Christophe Germain, soldat a Belle-Ile
- 1814 : deces a Paris de Simon Branche, soldat dans la garde imperiale
- 1817 : deces d’un soldat nangevillois, grenadier, a l’hopital du Val de Grace a Paris
- 1860 : deces a Lorient d’un soldat, canonnier
- 1877 : deces d’un Nangevillois, soldat a Mourmelon
VIE RELIGIEUSE
- Nangeville possede un cure residant sur place jusqu’a la revolution. Ensuite tous les cures semblent avoir reside a Mainvilliers. Leur mandat est souvent long, et plusieurs decedent au village, en service. On releve les noms suivants (l’orthographe est parfois a preciser) : Deffunct (1607), Mulot (1617), J Guiron (1628), La Roise (1654), Revon (1670), de Beaumont (1686), Michau (1703), Benoit (1709), Le Roy, puis Denis Rolland (1717), Bonnafous (1727) qui sera cure 43 ans, et meurt a nangeville en 1773, Boulloy (1774), cure jusqu’a la revolution – au moins en 1792.
- Les cures relatent dans les actes paroissiaux les ceremonies de confirmation presidees par l’archeveque de Sens ou son representant, et qui ont lieu, tres espacees dans le temps, dans des communes voisines. La liste des participants (dont l’age peut aller jusqu’a 30 ans) est consignee. Ainsi, en 1733 l’eveque de Waterfold (Irlande), residant a Sens, confirme 26 Nangevillois a Boigneville, en 1742 a Champmotteux c’est l’archeveque Joseph Longuet qui confirme 16 Nangevillois, puis en 1758 le cardinal de Luynes, archeveque de Sens et premier aumonier de la dauphine, confirme 41 Nangevillois a Malesherbes, ou il revient en 1772 et y confirme 34 autres Nangevillois.
- Certaines personnes decedees, tres peu nombreuses, sont inhumees dans l’eglise. Les actes paroissiaux citent 10 cas entre 1677 et 1741 et aucun ensuite. Il s’agissait de membres de la famille D’Adonville (en 1687, 1717), seule famille noble qui habitait a Nangeville a l’epoque et jusque vers le milieu du XVIIIe siecle, de membres de la famille Ingrain (1677, 1687, 1694, 1741), du cure Bernardin Benoit (1717), du maitre d’ecole Pierre Deniset (1736), d’une certaine Denise de Marcq en 1690 (enterree au pied de l’autel de la Vierge ; il y a des traces d’une famille de Marcq a Orveau), d’un certain Louis Lejour (1740). C’etait certainement un privilege. Pourquoi la famille Ingrain en a t-elle beneficie (peut-etre par qu’ils etaient fermiers de la Tour Ronde ?) ? Dans le cas de Pierre Deniset, on peut penser, qu’etant le probable premier maitre d’ecole a Nangeville, le village a voulu lui rendre une forme d’hommage en l’inhumant dans l’eglise.
Nangeville – Actes paroissiaux – 2 avril 2024